Dans les films hollywoodiens, le légendaire Far West était régulièrement représenté avec des flingueurs, des hommes de loi et des méchants, ce qui entraîne l’affrontement ultime entre les « bons et les méchants ».
Linda Thomson-Greenfield, ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, a déclaré au Conseil de sécurité au début du mois que les belligérants dans la guerre civile dévastatrice qui a duré 12 mois en Éthiopie impliquaient les Forces de défense nationale éthiopiennes, les Forces de défense érythréennes, les Forces spéciales d’Amhara et le Front populaire de libération du Tigré.
Et invoquant la métaphore hollywoodienne, elle a affirmé« il n’y a pas de bons ici ».
La bataille est peut-être mieux caractérisée comme une confrontation entre un groupe de méchants et un autre groupe de méchants, malgré le fait que le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, qui adéclenchéle conflit par des accusations de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de génocide, a reçu le prix Nobel de la paix en 2019.
Comme dans de nombreux conflits et de guerres civiles en cours, que ce soit en Afghanistan, au Yémen, au Myanmar, en Syrie, en Palestine, en Irak ou en Éthiopie, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité disposant d’un droit de veto, à savoir les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine et la Russie, sont fortement divisés et protègent leurs alliés… et leurs marchés prolifiquesd’armes.
Mais le conflit en Éthiopie a également entraîné une « catastrophe humanitaire monumentale » où les agences de l’ONU et les organisations de secours sont empêchées par le gouvernement éthiopien de livrer de la nourriture et des fournitures médicales pour des raisons politiques.
Selon les chiffres publiés par les organisations humanitaires internationales, des dizaines de milliers de personnes seraient déplacées dans les régions d’Amhara et d’Afar en raison de combats qui font rage dans plusieurs endroits ; environ deux millions se sont retrouvés sans abri et environ sept millions ont un besoin urgent d’aide humanitaire.
L’ambassadrice Thomson-Greenfield a déclaré aux délégués qu’il était temps pour toutes les parties d’arrêter immédiatement les hostilités et de s’abstenir d’inciter à la violence et à la division.La rhétorique belliqueuse et le langage incendiaire des deux côtés du conflit ne font qu’aggraver la violence intercommunautaire. Il est temps que le gouvernement éthiopien, le TPLF et tous les autres groupes s’engagent dans des négociations immédiates de cessez-le-feu sans conditions préalables pour trouver une voie durable vers la paix, a-t-elle déclaré.Et il est aussi grand temps que les Forces de défense érythréennes se retirent du territoire éthiopien.« Il est temps de baisser les armes. Cette guerre entre des hommes en colère et belliqueux – et qui rendent femmes et enfants victimes – doit cesser », a-t-elle ajouté.
Mais une question persistante demeure : d’où viennent ces armes ? Qui sont les marchands de mort dans ce conflit vicieux qui a « déjà fait des dizaines de milliers de morts et déplacé plus de 2 millions de personnes », et où le viol est de plus en plus utilisé comme arme de guerre ?
La Chine et la Russie, deux membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, ont été identifiées comme les principaux fournisseurs d’armes à l’Éthiopie.« L’époque où les Forces de défense nationale éthiopiennes (ENDF) dépendaient presque uniquement d’un armement soviétique vieillissant, mélangé à certains pièces russes plus modernes, est révolue depuis longtemps ».
« Au cours de la dernière décennie, l’Éthiopie a diversifié ses importations d’armes pour inclure un certain nombre d’autres sources qui comptent actuellement des pays comme la Chine, l’Allemagne, l’Ukraine et la Biélorussie ».
La présence dans cette liste de pays comme Israël et les Émirats Arabes Unis, qui ont fourni à l’Éthiopie un certain nombre de systèmes d’armes spécialisés, est sans doute plus surprenante, selon un blog publié dans Oryx.
Alexandra Kuimova, chercheuse dans le programme de transferts d’armes à l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (SIPRI), a déclaré qu’en termes de volume, la Russie et l’Ukraine ont été les plus grandes pourvoyeuses d’armes majeures à l’Éthiopie au cours des deux dernières décennies, représentant respectivement 50 % et 33 % des importations de l’Éthiopie entre 2001 et 2020.
Les livraisons en provenance de Russie comprenaient quelques 18 hélicoptères et avions de combat d’occasion transférés en Éthiopie entre 2003 et 2004.Les livraisons les plus récentes comprenaient environ quatre systèmes de défense aérienne mobiles 96K9 Pantsyr-S1 arrivés en l’Éthiopie en 2019. Les livraisons d’Ukraine comprenaient environ 215 chars T-72B d’occasion reçus par l’Éthiopie entre 2011 et 2015.
Kuimova a déclaré que des États européens transféraient également des armes majeures à l’Éthiopie depuis 2001. Par exemple, la Hongrie lui a fourni 12 hélicoptères de combat Mi-24V/Mi-35 d’occasion en 2013. Les véhicules blindé français ‘Bastion’ livrés à l’État en 2016 ont été financés par les Etats Unis. Les livraisons d’Allemagne comprenaient 6 avions d’entraînement en 2019.
Stephen Zunes, professeur de politique et titulaire d’une chaire d’études sur le Moyen-Orient à l’Université de San Francisco, qui a beaucoup écrit sur la politique du Conseil de sécurité, affirme: « La perception de ce conflit comme un simple problème africain ignore le fait qu’une grande partie des meurtres ne serait pas possible sans les armes occidentales envoyées aux combattants ».
Dans la plupart des guerres civiles, cependant, les armes légères et de petit calibre sont d’une importance cruciale et sont souvent appuyées par des armes conventionnelles majeures.
Depuis 2011, la Chine est devenue l’un des principaux fournisseurs d’armes à l’Éthiopie. Les livraisons connues en provenance de Chine comprenaient un système de défense aérienne HQ-64 livré en 2013 et 4 lance-roquettes automoteurs multiples PHL-03 de 300 mm livrés en 2018-2019.
L’Éthiopie a également importé quelques 30 véhicules blindés de transport de troupes de Chine entre 2012 et 2014, a déclaré Kuimova.
D’autres médias ont fourni des informations sur la présence en Éthiopie de drones chinois Wing Loong et iraniens Mohajer-6. Plusieurs médias affirment que la Turquie négocie des accords d’armement pour la vente à l’Éthiopie d’un nombre non identifié de drones armés Bayraktar TB-2.
Pendant ce temps, dans l’une des pires zones de conflit au monde, à savoir le Yémen, les attaques aériennes sont principalement menées par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, équipés d’armes provenant principalement des États-Unis et du Royaume-Uni, deux membres permanents du Conseil de sécurité.
Selon Kuimova, on ne sait pas grand-chose sur les transferts d’armes majeures vers l’Érythrée. Il semble que le pays n’ait reçu aucune arme majeure depuis 2009, date de l’entrée en vigueur de l’embargo de l’ONU sur les armes contre l’Érythrée. L’embargo a été levé en 2018, mais aucune livraison d’armes majeures n’a été documentée depuis lors. Toutefois, entre 2001-2007, les importations d’armes majeures de l’Érythrée comprenaient deux systèmes de défense aérienne S-125-2T d’occasion mais modernisés fournis par la Biélorussie en 2005. La Bulgarie a fourni 120 chars T-55 d’occasion en 2005. Entre 2001-2004, la Russie a livré àl’Érythrée 4 avions de combat et environ 80 missiles antichars Kornet-E entre 2001 et 2005. Les livraisons de l’Ukraine comprenaient 2 avions de combat d’occasion.
« Nous collectons, analysons et vérifions actuellement des informations de source ouverte sur les livraisons d’armes majeures à l’Éthiopie et à l’Érythrée au cours de l’année dernière », a-t-elle déclaré.Mais le manque de transparence dans les armements, tant dans le cas des États importateurs qu’exportateurs, rend difficile de déterminer les dates des commandes et des livraisons ainsi que le nombre exact et les types d’armes transférées au cours des dernières années.
Par exemple, l’Éthiopie n’a pas soumis de rapports sur ses importations d’armes au Registre des armes classiques des Nations Unies (UNROCA), le principal instrument des Nations Unies pour la transparence sur le commerce d’armes classiques depuis 1997.
Et la Chine, l’un des plus gros exportateurs vers l’Éthiopie au cours de la dernière décennie, a cessé de soumettre des rapports à l’UNROCA en 2018. En outre, la Chine n’a pas donné d’informations sur ses transferts d’armes vers l’Éthiopie au cours des années précédentes.
Voir La guerre civile en Éthiopie alimentée par les armes des grandes puissances de l’ONU
Laisser un commentaire