Le Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière récemment adopté continue de susciter un énorme débat sur ses avantages et ses inconvénients. Evans Tekenge Manuika, président de l'Association des travailleurs immigrés au Maroc, qui s'est entretenu avec IPS lors de la conférence, a averti que le pacte resterait lettre morte sans paix en Afrique.
Cette réunion de haut niveau avait été marquée dès le début par un événement sans précédent : l'absence d'au moins sept États membres qui ont annulé leur participation presque à la dernière minute. La communauté internationale voudrait résoudre la crise humanitaire des migrants en améliorant leur acceptation, ce qui redouble l'importance de ce Pacte mondial pour les migrations. Le pacte, adopté le lundi 10 décembre dernier, est en effet le premier accord intergouvernemental négocié sur ce sujet. Les absences attirent l’attention car la mise en œuvre du pacte est volontaire, contrairement à la Convention sur le statut des réfugiés de 1951, signée et ratifiée par les 193 États membres de l’ONU.
Les États-Unis ont été le détracteur le plus notable de la conférence en qualifiant ce pacte de violation de la souveraineté nationale. Les autres pays qui ont suspendu le pacte ou ont refusé de le signer sont la Hongrie, l'Australie, Israël, la Pologne, la Slovaquie, la République tchèque, l'Autriche, la Suisse, la Bulgarie, la Lettonie, l'Italie et le Chili.
Le document adopté définit 23 objectifs qui couvrent tous les aspects liés à la migration, chacun ayant un objectif général et un éventail d’actions possibles à mettre en œuvre par les États membres du forum mondial. Outre les diplomates et les responsables, quelque 400 organisations non gouvernementales de la société civile, du secteur privé et académique, ainsi que plus de 700 journalistes enregistrés ont souligné par leur présence l’importance de la conférence.
C'est le contexte de l'interview.
Inter Press Service (IPS) : En tant qu'association travaillant avec les migrants, que pensez-vous du Pacte mondial pour la migration récemment adopté ?
Evans Tekenge Manuika (ETM) : Le Pacte mondial pour les migrations sera inutile tant qu'il restera des zones de conflit en Afrique. En tant que membres de la société civile, nous sommes venus ici pour prendre des mesures concrètes au lieu de simplement parler. Au contraire, nous avons parlé beaucoup. Il est grand temps de rendre la migration sûre, ordonnée et régulière. Nous avons proposé aux grandes puissances de faire campagne pour la paix dans les zones de conflit en Afrique. Il faut donner de l'espoir aux populations, en agissant en amont au niveau des pays d’où partent les migrants.
IPS : Comment le Pacte devrait-il être mis en œuvre ?
ETM : Nous demandons à l'ONU de prendre des mesures concrètes au lieu de simplement dénoncer les conflits. Nous devons faire campagne pour la paix dans les zones de conflit d’intérêts entre grandes puissances. Nous devons promouvoir le développement et penser à l’avenir de la jeunesse africaine. Ce que nous demandons également comme solution à la question des migrations, est d’agir au niveau des pays d’origine et de départ et non des pays d’arrivée. Si nous abordons la question de la migration au niveau du pays hôte, ce sera une perte de temps. Elle doit être traitée à la source. Si dans le pays de départ il y a encore des guerres, il y aura toujours des gens qui vont émigrer. La jeunesse africaine est sacrifiée ; son avenir est incertain - c’est la raison pour laquelle les gens continuent à émigrer.
IPS : Pensez-vous que les États africains, à qui on reproche généralement de ne pas respecter leur législation nationale, seront en mesure de respecter les dispositions du Pacte ?
ETM : C’est vrai, les chefs d’État africains sont souvent critiqués à cet égard, mais essayons de leur donner une chance cette fois-ci avec ce Pacte et restons assis à la même table pour trouver des solutions adéquates à la migration. Donnons-leur la possibilité de faire des efforts pour la mise en œuvre des dispositions de ce pacte, afin de mieux gérer les migrations sur notre continent. Alors, attendons et voyons avant de juger.
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