Chaque année, des millions de tonnes de déchets plastiques quittent les États-Unis pour les pays d'Amérique latine afin d'être recyclés. La société civile de différents pays de la région dénonce le fait que le recyclage n'est qu'un prétexte pour se débarrasser des déchets non recyclables et les envoyer dans les pays en développement, en profitant de l'absence de réglementation et de contrôle douanier.
Le phénomène existe depuis des années, mais en 2018, l'échiquier géopolitique des déchets a connu un changement radical qui a aiguisé le commerce des déchets plastiques des pays développés vers les pays non développés. En janvier de cette année, la Chine, qui recevait 45 % des déchets plastiques du monde, a imposé des restrictions à l'importation de 24 types de déchets solides, dont les plastiques.
Le flux transfrontalier de déchets plastiques en provenance des États-Unis et de l'Europe a alors dû modifier son itinéraire à la recherche de nouveaux territoires. Les pays d'Asie du Sud-Est - Inde, Indonésie, Vietnam et Malaisie - sont devenus les nouvelles destinations des milliers de tonnes précédemment importées par la Chine. Mais ils n'étaient pas les seuls.
Les organisations de la société civile de l'Alliance mondiale pour les alternatives aux incinérateurs (GAIA en sigle anglais) ont constaté que la décision de la Chine affecte également l'Amérique Latine, en particulier le Mexique, le Salvador et l'Équateur, qui sont devenus - en moins de quatre ans - les nouveaux destinataires des déchets plastiques nord-américains.
« C'est le colonialisme des ordures », affirme GAIA dans son rapport publié le 15 septembre 2022. « Alors que les grandes puissances mondiales se vantent de leurs chiffres de recyclage (...), une grande partie de ce paradis durable est alimentée par l'expédition de centaines de conteneurs remplis de déchets plastiques vers d'autres pays ».
Selon GAIA, dans le meilleur des cas, ces déchets sont recyclés, mais dans de nombreux autres cas, ils « finissent dans des destinations incontrôlées, incinérés, enterrés ou recyclés dans des conditions qui ne seraient jamais approuvées dans les pays exportateurs », entraînant des problèmes de santé pour les communautés de collecte.
Ce faux recyclage est possible parce que les pays d'Amérique latine affichent des conditions qui le permettent : réglementation généralement faible sur les importations de déchets, absence de contrôle douanier, infrastructures de recyclage insuffisantes, liens opaques entre les gouvernements et les entreprises de recyclage, et absence de données sur les importations et les exportations de déchets.
Tous ces facteurs ont fait de la région un terrain ironiquement fertile pour recevoir les déchets des autres, déguisés en « déchets recyclables », sans pratiquement aucune restriction.
Les données du Bureau de recensement des importations/exportations américaines montrent qu'en 2020 et 2021, les États-Unis ont exporté 200 000 tonnes de déchets plastiques vers l'Amérique latine, principalement vers le Mexique, 147 897 tonnes, le Salvador, 20 975 tonnes et l'Équateur, 12 791 tonnes. Ces déchets comprenaient des éthylènes, des styrènes, du PVC, des bouteilles en polyéthylène téréphtalate, connues sous le nom de PET, et des « plastiques autres ou mélangés ». Mais il n'existe pas d'informations exactes sur leur composition, ni sur le nombre de plastiques recyclés et le nombre de ceux qui ont fini accumulés, enterrés ou incinérés.
Le problème a alerté l'Organisation Internationale de Police Criminelle (Interpol). Dans un rapport d'août 2020, l'organisation a prévenu que le transfert de déchets plastiques générait des schémas criminels parce qu’on classait faussement comme « destinés à la récupération » ou comme « non dangereux », les déchets qui étaient contaminés ou mélangés à d'autres flux de déchets.
Interpol a averti que le secteur des déchets « souffre d'une série d'activités illégales, perpétrées de manière plus ou moins organisée afin de réaliser des profits en évitant les coûts d'un traitement approprié des déchets ou en créant des opportunités commerciales illégales et rentables ».
Plusieurs situations permettent une nouvelle colonisation de l'Amérique latine par les déchets plastiques. Et l'une d'entre elles est constituée par les lacunes des réglementations internationales.
Le recyclage, une voie pour échapper à la Convention de Bâle
Il y a exactement 30 ans, en 1992, entrait en vigueur la Convention de Bâle, Programme de l’ONU pour l'Environnement, qui visait à amener tous les pays signataires à limiter les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux afin de protéger l'environnement et la santé humaine. La convention était une réponse à un phénomène des années 1980 : des navires de pays développés déversaient des déchets toxiques dans des pays en développement tels que le Nigeria, les Philippines et Haïti en échange de paiements intéressants. Bien des années plus tard, en 2019, l'Amendement Interdiction est entré en vigueur, interdisant aux pays développés d'exporter des déchets dangereux vers les pays en développement.
Ce n'est qu'en janvier 2021 qu'est entré en vigueur l'Amendement Déchets Plastiques, qui stipule qu'avant d'envoyer des « déchets plastiques contaminés, mélangés ou non écologiques à des fins de recyclage », les exportateurs doivent obtenir le consentement des pays destinataires, lesquels ont le droit de les refuser. C'est la clé de ce qui se passe maintenant.
Comme il est possible que les pays destinataires refusent de les recevoir, certaines entreprises exportatrices et importatrices ont trouvé un moyen de contourner la règle : d'une part, elles déclarent les déchets comme étant destinés au recyclage et, d'autre part, elles échappent aux contrôles (s'il y en a) visant à vérifier qu'ils sont aptes au recyclage.
Il s'agit d'une formule infaillible : les pays exportateurs se débarrassent ainsi de déchets difficiles et coûteux à recycler, et les entreprises importatrices des pays de destination sont rémunérées pour le recyclage sans avoir à prouver qu'elles le font réellement. Tout cela au vu et au su des gouvernements qui n'ont aucun contrôle ni aucun intérêt à évaluer ce qui est transporté ni où.
Selon le rapport 2020 de GAIA, « les entreprises des pays à revenu élevé ont exporté à l'étranger des déchets plastiques mélangés, fortement contaminés et souvent non recyclables afin d'éviter les coûts de reconception et de développement de lois sur la Responsabilité Elargie des Producteurs ou d'infrastructures de recyclage, entre autres ».
Cela s'explique également par le fait que le recyclage aux États-Unis est de plus en plus coûteux. Le rapport d'Interpol note que « les installations de recyclage américaines ont considérablement augmenté leurs frais de traitement » en raison des « niveaux plus élevés d'impuretés dans les déchets plastiques traités ».
On peut citer l'exemple d'une grande usine de recyclage, située en Alabama, qui, selon Interpol, a doublé ses frais de traitement, passant de 30 à 65 dollars par tonne depuis octobre 2019. Il est alors moins cher et plus facile d'expédier ailleurs, par exemple au Mexique.
Les déchets plastiques ne sont pas les seuls à être exportés/importés en dehors des réglementations internationales. La Convention de Bâle, dans les Lignes directrices sur le Mouvement Transfrontalier de Déchets Electroniques, présente d'autres lacunes qui permettent l'exportation de déchets électroniques hautement dangereux à des fins de « réparation ». Au point 12, ces lignes directrices reconnaissent que de nombreux équipements électriques et électroniques usagés sont exportés vers des pays en développement « vraisemblablement pour être réutilisés », mais qu'un pourcentage élevé d'entre eux « ne se prêtent pas à une utilisation ultérieure ou ne sont pas commercialisables et doivent être éliminés comme des déchets dans les pays destinataires ».
Les délégués du Basel Action Network préviennent dans une déclaration que « tant qu'un exportateur prétend que ses conteneurs de déchets électroniques sont destinés à être réparés, toutes les autorités peuvent détourner le regard, car Bâle ne s'applique pas ». Cette faille dans la loi doit être réparée et discutée lors de la 11e réunion des Etats à la Convention de Bâle, qui aura lieu à Genève, en Suisse, en mai 2023, car « le statu quo est déjà inacceptable ».
Mexique : le dépotoir de son voisin du nord
Ces dernières années, aucun autre pays de la région n'a reçu autant de tonnes de déchets plastiques en provenance des États-Unis que le Mexique. Selon les données du système d'information tarifaire Internet du commerce extérieur du Mexique (SIAVI), les tonnes de déchets plastiques reçues par le pays sont passées de 58 243 tonnes en 2017 à 130 316 tonnes en 2021. Plus que les quantités, c'est la manière dont ils entrent dans le pays qui importe.
Le rapport 2022 de GAIA indique qu'« il est possible que de nombreux déchets plastiques entrent depuis les États-Unis par la frontière terrestre, avec peu ou pas de contrôles douaniers ». Darinka Carballo, avocate et défenseur des droits de l'homme, affirme avoir vu des dizaines de camions anonymes décharger en permanence des déchets dans des campements situés à quelques kilomètres de Tijuana, en Basse-Californie, au nord du Mexique et à la frontière de la Californie, qui est de loin l'entité américaine qui exporte le plus de déchets plastiques au Mexique.
Un de ceux campements est El Pueblito, « un campement de population irrégulière qui ne dispose d'aucun service public, à environ 500 mètres de l'endroit où les camions poubelles, tant de la mairie de Tijuana que de véhicules sans plaques, vont déverser leurs déchets ». Darinka Carballo estime qu'il y aurait 400 personnes vivant à El Pueblito « dans de très mauvaises conditions, sans hygiène, sans services de santé ». Partout dans ce lieu, « on peut voir des feux de champs et des gens accroupis, complètement noircis, qui séparent le plastique du cuivre : ils brûlent le plastique et gardent le cuivre, qui est la chose de plus de valeur qu'ils peuvent vendre », explique l'avocat.
Il n'existe pas de données sur l'état de santé des habitants d'El Pueblito, mais Mme Carballo affirme que nombre de ces familles inhalent en permanence la fumée produite par les incinérations, et qu'elles pourraient donc respirer des dioxines et d'autres composés apparentés.
Une revue sur l'incinération des plastiques, publiée en 2019 par des chercheurs de l'Université fédérale de technologie au Nigeria, avertit que « les fumées des déchets plastiques libèrent des additifs halogénés et du polychlorure de vinyle, tandis que les furanes, les dioxines et les polychlorobiphényles (PCB) sont libérés dans l'environnement par l'incinération des plastiques ».
Leur contact peut provoquer une irritation des yeux ou des voies respiratoires, mais aussi des conséquences plus graves tels que des effets cancérigènes ou des dommages aux os, au foie, au système nerveux, au système digestif ou au système respiratoire. En l'absence de services de santé et de suivi médical, il est impossible de savoir si les habitants d'El Pueblito souffrent de l'une de ces pathologies.
En tout cas, ils ne seraient pas les seuls à être touchés. La même revue indique que « le processus d'incinération des plastiques produit de la suie, des cendres et diverses poussières finissent par se déposer sur les plantes et le sol, avec une potentielle migration vers l'environnement aquatique ».
Face à des cas comme celui d'El Pueblito, il est important que la société civile exige du gouvernement mexicain qu'il mette un terme à l'importation illégale de déchets plastiques et électroniques en provenance des États-Unis, alors que le gouvernement choisit de la promouvoir, arguant qu'elle constitue une opportunité économique pour le pays.
Les associations civiles Acción Ecológica, Asociación Ecológica Santo Tomás et Fronteras Comunes ont présenté 65 demandes d'information au niveau fédéral sur l'entrée de déchets plastiques dans le pays par les différents ports ; quatre seulement d’entre elles ont reçu des réponses partielles.
Selon les informations de ces associations, citées dans le rapport 2022 de GAIA, ni le ministère de l'environnement et des ressources naturelles ni le bureau du procureur général fédéral pour la protection de l'environnement ne disposent d'informations relatives à ce mouvement de déchets plastiques, de sorte que l'on ne connaît ni leur dangerosité ni leur destination finale une fois entrés dans le pays.
« Où vont ces plastiques importés ? Dans les cimenteries, les sites d'enfouissement, les décharges clandestines ? Nous ne savons pas. Nous l’avons demandé aux gouvernements municipaux et aux gouvernements des États. Personne ne sait qui recycle les déchets plastiques importés au Mexique », déclare José Manuel Arias, membre de l'Asociación Ecológica Santo Tomás A.C. et l'un des auteurs du rapport sur le cas du Mexique. Mr. Arias est convaincu qu'« il est nécessaire de démanteler la politique publique qui fait du Mexique un dépotoir pour notre voisin du nord. Seul le pouvoir citoyen peut y parvenir et nous y travaillons ».
En juin 2019, le gouvernement équatorien a publié un communiqué de presse dans lequel il assure : « L'Équateur n'est ni ne sera, un destinataire des déchets de n'importe quel pays du monde ». Il s'agissait de donner une réponse à un rapport journalistique sur les flux mondiaux de déchets plastiques qui incluait le pays dans la liste des 13 plus grands destinataires de déchets plastiques des États-Unis.
Mais les données les plus récentes, publiées en février 2022 par l'Alliance Zéro Déchet de l'Équateur, en coordination avec GAIA, montrent le contraire : entre 2018 et janvier 2022, l'Équateur a importé 48 473 tonnes de déchets plastiques, entrés dans le pays par transport maritime ; parmi eux, 27 338 tonnes (57 %) provenaient des États-Unis, ce qui fait de l'Équateur le troisième pays d'Amérique latine qui a importé le plus de déchets de ce pays. Les chercheurs chargés de cette étude, María Fernanda Solíz Torres, de l'université Simón Bolívar de Quito, et la journaliste d'investigation Susana Morán Gómez, membres de l'Alliance Zéro Déchet de l'Équateur, indiquent dans leur rapport que 75 % des déchets plastiques entrés dans le pays avec la norme tarifaire 3915 l'ont été sous la dénomination « déchets plastiques ».
Il s'agit d'une classification ambiguë qui ne permet pas de connaître plus en détail le type de déchets. « Le gouvernement a toujours nié que l'Équateur importe des déchets plastiques. En réalité, ce qu'il dit, c'est que l'État n'importe pas, car la majeure partie est importée par des entreprises de recyclage équatoriennes », explique M. Morán à SciDev.Net.
C'est là le noyau du problème. Les entreprises de recyclage « considèrent qu'elles rendent service à l'environnement parce qu'elles récupèrent les déchets, voire les importent pour leurs processus de production, et en cela elles sont d'accord avec l'État. Ainsi, le gouvernement leur accorde une grande protection », explique M. Morán.
Dans son livre La partida 3915. Importación de desechos plásticos en Ecuador, publié en 2021, Fernanda Solíz affirme qu'en 2020, le gouvernement national, par le biais du Service national des douanes de l'Équateur, a « cadenassé les données relatives aux entreprises qui importent des déchets », sous prétexte qu'il s'agissait d'informations privées qu'il fallait demander à chaque entreprise.
C’est ce que Solíz a fait. Avec Susana Morán, elles ont contacté les 13 plus grandes entreprises de recyclage du pays pour obtenir des informations sur le type et le volume de leurs importations de plastique. La plupart des entreprises ont refusé de fournir des informations. Les quelques-unes qui l’ont fait ont manifesté plusieurs incohérences concernant les importations de plastique. Par exemple, les tuyaux d'irrigation utilisés dans l'industrie agricole américaine sont importés par le principal importateur de plastiques du pays.
« Les responsables ont reconnu que ce type de déchets agricoles arrive très sale en Équateur. Par exemple, s'ils en en importent 10 kilos, cinq kilos sont de la terre, car les tuyaux d'irrigation sont dans le sol et les agriculteurs nord-américains ne prennent pas la peine de laver les tuyaux pour les envoyer dans des pays sous-développés comme l'Équateur. Alors, les entrepreneurs reçoivent ces tuyaux en plastique sales et les lavent avec nos propres ressources naturelles », explique M. Morán.
Dans une réponse écrite à SciDev.Net, le ministère équatorien de l'environnement, de l'eau et de la transition écologique déclare que, sur la base de la loi sur les plastiques à usage unique, l'importation de déchets plastiques est interdite. Il existe toutefois une « dérogation temporaire », dont le mécanisme d'application a été publié le 3 octobre 2022. Cette dérogation permet l'importation de déchets plastiques sous trois conditions : « Lorsque la finalité est l'utilisation ; lorsque la capacité technique et technologique pour l'utilisation existe et qu'une gestion environnementale adéquate est garantie ; et jusqu'à ce que la demande nationale soit satisfaite, en priorisant l’épuisement de la disponibilité effective des déchets plastiques générés dans le pays ».
Selon les recherches menées par l'Alliance Zéro Déchet de l'Équateur, ces exigences ne sont pas respectées, car les entreprises prétendent importer des plastiques pour leurs propres processus de production alors que, selon plusieurs entités équatoriennes, plus de 90 % des déchets sont enfouis.
L'ironie semble évidente : les entreprises importent des plastiques pour les recycler alors qu'il y a un excès de plastiques dans le pays qui ne sont pas recyclés. « Il est beaucoup plus facile pour les hommes d'affaires d'importer que de promouvoir les pratiques de recyclage ou de renforcer les recycleurs de base qui existent dans le pays », explique M. Morán.
Les liens entre le gouvernement et les entreprises ont également un impact sur les inspections douanières.
Les chercheurs soulignent qu'en 2021, le gouvernement équatorien a effectué quelques inspections, mais sans grand succès car, d'une part, elles ont été réalisées sur des expéditions terrestres, alors que 94% des importations de déchets plastiques arrivent par voie maritime. D'autre part, il s'agissait d'efforts isolés qui ont été suspendus en raison de la pression exercée par les entreprises. « À ce jour, il n'existe aucun rapport, du moins pas public, indiquant que ces inspections ont été réalisées et que, effectivement, il a été vérifié que tout ce qui a été importé a été utilisé par les entreprises dans leurs chaînes de production », déclare M. Morán.
Argentine et Chili : des déchets différents, des modèles similaires
Si le Mexique et l'Équateur, ainsi que le Salvador, pour lequel on ne dispose pas encore de beaucoup de données, sont les nouveaux destinataires des déchets plastiques américains, cela ne signifie pas que d'autres pays n’importent pas.
En Argentine, Alianza Basura Cero a obtenu des données de la Direction nationale des substances et des produits chimiques qui montrent une augmentation considérable des importations de déchets de PET (le seul type de déchets qu'ils signalent) : en 2011-2015, 200 tonnes de déchets de PET ont été importées, alors qu'en 2016-2020, il y en avait 1 864 tonnes, provenant principalement des États-Unis et du Brésil, importées par les entreprises d'emballage Tetra Pak, Petropack, Dupont et Dak Americas.
Il n'existe pas de données sur l'augmentation des importations d'autres déchets plastiques, mais Cecilia Bianco, ingénieur et coordinatrice des questions de toxicité au Taller Ecologista en Argentine, affirme que le schéma est le même qu'en Équateur : le pays importe des déchets qui sont abondants dans le pays.
« Il est injuste d'importer des déchets de papier, de carton et de plastique, alors qu'il y en a déjà en abondance. Le juste serait de gérer l’affaire correctement. Les municipalités et les communes possèdent des déchets solides municipaux, mais seuls 10 % de ceux-ci sont recyclés », explique-t-il à SciDev.Net.
« Et c'est une réalité dans toute l'Amérique latine : l'absence de gestion est ce qui permet les importations », affirme M. Bianco. Les importations se poursuivront « s'il n'existe pas de législation claire interdisant l'entrée des déchets » et sans « un bureau de douane pour les contrôler ».
Au Chili, il existe un paradoxe : les organisations chiliennes qui plaident pour une meilleure gestion des déchets sont plus préoccupées par les exportations que par les importations de déchets plastiques.
Le rapport le plus récent de l'Alliance Zéro Déchet au Chili, publié en juin 2022, prévient que de 2015-2017 à 2018-2020, les exportations de ces matériaux ont diminué de 5 000 tonnes. Cela « ouvre des doutes inquiétants sur la destination finale de ces déchets », car si ces déchets n'ont pas quitté le pays et n'ont pas été recyclés non plus, étant donné que le taux de recyclage n'a pas augmenté, « où ont-ils fini ? Dans des décharges, des dépotoirs, des rivières, des lacs, des plages ? Ont-ils été incinérés ? ».
« Notre hypothèse est qu'ils sont jetés dans des décharges », explique Matías Roa, ingénieur des transports et analyste de données à l'Alliance au Chili. « Pour l'instant, nous n'avons pas assez de données, mais la prochaine étape consiste à trouver où se trouvent ces déchets ».
Bien qu'il ne donne pas de chiffres, le rapport 2020 d'Interpol révèle que le Chili est l'un des pays où l'élimination illégale des déchets dans les décharges, ainsi que leur incinération, a augmenté depuis 2018.
Selon Mr. Roa, quoique l'importation de déchets plastiques des États-Unis au Chili soit minime, elle entraîne toutefois des changements dans leur gestion. « Il devient un terrain fertile pour les investisseurs privés qui cherchent à mettre en œuvre de nouveaux systèmes de gestion des déchets, comme l'incinération ou la valorisation des déchets ».
Au Chili, les autorisations d'élimination des déchets accordées aux cimenteries ont même augmenté, ce qui a suscité de nouvelles discussions sur la manière dont les polluants issus de l'incinération peuvent affecter la santé des communautés et des écosystèmes situés à proximité des incinérateurs.
La solution
Les organisations de la société civile déploient des efforts importants pour rendre le phénomène visible, mais leur travail n'a pas d'impact sur les politiques publiques et n'oblige pas les gouvernements à respecter l'Amendement sur les Déchets Plastiques de la Convention de Bâle. « La méconnaissance de ce commerce transfrontalier par les autorités est frappante, alors qu'elles devraient être à l'avant-garde de ces phénomènes internationaux », déclare Susana Morán.
« La logique colonialiste est ce qui définit assez bien ce que nous vivons dans nos pays », affirme le Chilien Matías Roa. « Ce sont des logiques commerciales insensées, dans lesquelles les pays du Nord vendent une image et un chemin vers l'avenir, alors que derrière, dans leur arrière-cour, ils ont tout en désordre, sale, pollué. Et, malheureusement, nous faisons partie de cette arrière-cour sale ».
Pour lui, comme pour beaucoup de ceux qui ont analysé ces transports de déchets plastiques ces dernières années, la solution se situe au niveau sociopolitique. « La meilleure chose que nous puissions faire est d'exposer ces problèmes, éduquer au respect et réaliser des plaidoyers au niveau politique », déclare Roa.
Susana Morán se concentre sur la vraie solution : le monde réfléchit encore à l'endroit où il convient d'apporter les plastiques, au lieu de réfléchir à la manière d'arrêter d'en produire. Pour elle, « ce fut une découverte d'apprendre qu'il existe un mouvement, un commerce international de déchets plastiques, alors que ce que nous devrions proposer, en tant que sociétés en général, c'est de réduire la consommation de ce type de produits ». Et, surtout, « exiger que les entreprises qui les produisent soient responsables vis-à-vis de leur environnement ».
Voir, América Latina, el nuevo basurero de plásticos de EEUU - América Latina y el Caribe
Photo. Des dizaines de personnes trient et collectent les déchets des innombrables camions qui arrivent chaque jour à El Pueblito, en Basse-Californie, au nord-ouest du Mexique. Photo © Fondation GAIA Tijuana
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