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Comment la gérontocratie gouverne le monde

Ethic 22.10.2024 Miguel Ángel García Vega Traduit par: Jpic-jp.org

Avec une moyenne d'âge de 74 ans, six dirigeants politiques seulement gèrent quelque 50 000 milliards d'euros des richesses de la planète. Quelles sont les conséquences de cette transformation démographique pour le monde ?

La gérontocratie économique contrôle la planète. Les chiffres brillent comme des diamants dans la vitrine d'un bijoutier. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), cités à l'infini, contrôlent avec les États-Unis, première puissance mondiale, 48,9 % du PIB mondial. Si le PIB mondial en 2023, selon les calculs de l'AFI, est de 105 000 milliards de dollars, ces six nations détiennent 51 340 milliards (46 310 milliards d'euros) de la richesse mondiale.

Le problème se pose suite à un simple décompte. Les premiers dirigeants de ces pays (Lula, 78 ans ; Poutine, 71 ans ; Modi, 74 ans ; Jinping, 71 ans ; Cyril Ramaphosa, 71 ans) totalisent 444 ans, avec une moyenne de 74 ans. Et aux braises de l'incendie s’ajoute l'essence. Car Recep Tayyip Erdoğan, le président turc âgé de 70 ans, a demandé l'intégration dans les BRICS. Un pays dont la richesse s'élève à 907,1 milliards de dollars (environ 818 milliards d'euros au taux de change actuel), selon les données de 2022.

Ajoutons à cela que Joe Biden, au lieu de passer le relais à Kamala Harris (59 ans), l’a passé à Trump, 78 ans : la planète continue de tourner autour de la gérontocratie. Harris aurait été une exception parmi la plupart des pays les plus puissants de la planète.

Le sort, direct ou indirect, de 8 milliards d'êtres humains dépend des vieillards. Même si, avec l'allongement de l'espérance de vie, ce beau mot est remplacé par des euphémismes comme personne âgée qui trop souvent ne servent qu'à cacher la finitude de l'existence de l'homme. Une auto-illusion.

« Il y a du vrai dans ce vieillissement, mais je serais incapable d'en prédire les conséquences », affirme Joseph Nye - 78 ans -, ancien secrétaire américain à la défense sous Bill Clinton et professeur à la Kennedy School of International Relations de l'université de Harvard. « Mais il y a des cas, note-t-il, qui ne correspondent pas au modèle : la France, l'Italie, l'Espagne, l'Irlande ».

Chaque pays est un monde, mais pensons, par exemple, à un monde qui est un pays : les États-Unis ont élu un président en novembre. Depuis les Pères fondateurs, il a ses propres règles de gravitation universelle, une façon différente d'appréhender les forces et les faiblesses. Donald Trump (78), adepte des remarques désobligeantes sur son rival alors que Biden (81) restait dans la course au bureau ovale, répétait sans cesse avec ironie la rengaine Biden for Residence, à la place de Biden for presidence.

N'importe quel expert est, cependant, prêt à affirmer que ce sont les capacités intellectuelles, et non physiques, qui doivent prévaloir. « Certaines personnes âgées de 70 ans et plus sont parfaitement qualifiées pour continuer à travailler et à occuper des postes à responsabilité. Dire le contraire, c'est faire de la discrimination, en l'occurrence sur la base de l'âge », estime Mauro Guillén, professeur à la Wharton School of Business de l'université de Pennsylvanie : « Nous ne devons pas tomber dans l'âgisme ». Un argument parfait. Incontestable. Mais la vie au XXIe siècle n'est ni parfaite ni incontestable.

Les Etats Unis - qui ont une longue et puissante tradition de vétérans de guerre - comprennent que le côté physique compte, et compte beaucoup. Ils ne veulent pas voir un président qui regarde du mauvais côté lors d'un dialogue. Ils pensent que cela traduit une faiblesse face à l’ennemi. Ils ne peuvent pas le permettre. Parce qu'ils représentent la démocratie libérale la plus avancée au monde. Les éditoriaux du New York Times appelant le président Biden à se retirer et à permettre à Kamala Harris de se présenter indiquent que les Etats Unis sont une nation jeune, où la jeunesse ajoute et rarement retranche. C'est dans leur histoire, dans leurs guerres, qui ont été nombreuses, tout au long des 20e et 21e siècles.

« Les chutes de Biden, ses oublis, ont impressionné les électeurs américains, et il y avait des doutes quant à sa capacité à résister à un rallye électoral intense et difficile », commente Carlota García Encina, chercheuse principale sur les États-Unis et les relations transatlantiques à l'Institut royal Elcano. De plus, « l'Europe a des valeurs différentes de celles des États-Unis ». Il suffit de penser aux généraux ou aux professionnels ayant reçu une formation militaire et qui ont accédé au bureau ovale ou qui en ont été proches.

Il est indéniable - affirme Rafael Puyol, président de l'Université internationale de La Rioja (UNIR-Espagne) - que « nous avons gagné des années sur la vie et de la vie sur les années ». Il met toutefois en garde : « Peut-être parce que sa population est plus jeune, la mentalité américaine n'a pas encore intégré le processus de vieillissement comme c'est le cas en Europe ». Ces élections pouvaient montrer que la jeunesse n'est qu'une étoile de plus sur leur drapeau.

Cependant, les chiffres sont les points d'ancrage d'un alpiniste qui escalade un huit mille. Immuables.

Un autre ratio. Le PIB du BRICS plus États-Unis, selon ce qu'on appelle la parité de pouvoir d'achat (PPA), qui, pour simplifier, répond à la question de savoir combien d'argent il faudrait pour acheter des biens et services identiques dans deux pays différents, représente - décrivent les experts de l'AFI - 49,1 % de la richesse de ce globe bleu en orbite autour de la Voie lactée.

Et ce chiffre n'est pas sans conséquences. Il influe sur la prospérité économique, mais aussi sur le passage du temps. « Avec l'âge, les êtres humains approchent de la fin de leur cycle de vie et ont tendance à être plus réticents face au risque, et le fait d'avoir des dirigeants de cet âge pourrait ralentir l'agenda des réformes », prévient l'économiste José Carlos Diez.

La condition humaine entre en jeu. « Les dirigeants plus âgés ne sont pas enclins à l'innovation et leurs stratégies tendent à être à court terme », souligne José Manuel Amor, associé gérant de l'AFI. « Les personnes âgées sont plus conservatrices et ont du mal à s'adapter au changement. Ce que nous ignorons vraiment, c'est le monde vers lequel nous allons ».

Les experts consultent leur boule de cristal. 65 ans, c'est les 50 ans d'il y a 15 ans. Ce genre de phrases revient sans cesse dans les médias. L'espoir est le titre du roman du futur qui s'écrit aujourd'hui. « Une plus grande longévité signifie qu'il y a plus de personnes âgées et, par conséquent, cela se reflétera à tous les niveaux, y compris les politiciens, les PDG et les chefs d'entreprise », observe José Montalvo, professeur d'économie à l'Universitat Pompeu Fabra (UPF). « Ils arrivent également en meilleure santé, tant physique que mentale », écrit-il, ajoutant que « l'expérience est très appréciée pour ce type de poste, une très longue carrière implique une perception plus profonde et plus stratégique de la connaissance, ainsi que de plus grandes connexions, ce qui leur permet également de rester plus longtemps à des postes de responsabilité ».

Mais au-delà de l'expérience, ils souffrent aussi d'une vision à court terme, d'une aversion au risque et les jeunes se sent peu mobilisés. Il y a une fracture. Où situer l'espace du repos ou de la retraite ?

« Une personne âgée de 60, 70 ou 80 ans n'est pas la même aujourd'hui qu'il y a un demi-siècle. Et la tendance va se poursuivre, notamment grâce à la technologie. Je vous parie que nos enfants verront des personnes de 90 ou 100 ans travailler », prédit le sociologue Mauro Guillén. Est-ce là ce que nous attendons de la vie : travailler plus longtemps ?

Pour la première fois dans l'histoire, les personnes âgées sont plus nombreuses que les enfants de moins de 5 ans dans le monde, et d'ici 2050, elles seront plus nombreuses que les adolescents et ceux d’entre 15 et 24 ans. Ce phénomène sera similaire aux États-Unis, en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et au Japon. Et en d'innombrables démocraties. Les analystes affirment qu'il s'agit de l'une des plus grandes réussites du 20e siècle. Cependant, comme les nouvelles technologies, elle soulève des questions essentielles pour l'être humain dont nous ne connaissons pas les réponses.

Voir, Así es como la gerontocracia domina el mundo

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