L'encyclique Laudato Sí offre une intuition particulière du pape François : le concept d'écologie intégrale, une approche soulignant que « tout est étroitement lié ». Le cri de la terre n'est pas différent du cri des pauvres ; la crise écologique est une crise sociale. Le deuxième objectif de Laudato Sí est donc un appel à répondre au cri des pauvres en défendant la vie sous toutes ses formes, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables tels que les peuples autochtones, les migrants, les enfants à naître et les enfants menacés par l'esclavage moderne.
Beaucoup de gens considèrent la crise écologique comme une crise climatique, car la crise climatique est l'une des manifestations les plus répandues de la crise écologique. Cependant, nous ne pouvons pas parler de protection de l’environnement en négligeant les besoins des populations les plus vulnérables de la planète. Laudato Sí appelle à considérer la crise environnementale comme une question de justice sociale, qui encourage la sauvegarde des intérêts de nos frères et sœurs - proches et éloignés - si nous voulons protéger l'avenir de la terre. La crise écologique actuelle est donc aussi une crise spirituelle. La conversion écologique et le soin les uns des autres et de la création nécessitent une conversion spirituelle. Le pape François parle donc d'une écologie intégrale, c'est-à-dire écologique, économique, sociale, culturelle et de la vie quotidienne, c'est-à-dire une écologie humaine (LS 138-155).
Pour Yeb Saño, membre du Global Catholic Climate Movement, la crise environnementale est enracinée dans trois faiblesses humaines. L'arrogance, la croyance que nous sommes meilleurs que Dieu et plus intelligents que la nature. L’apathie, la conviction dangereuse que c’est le travail d’autrui de prendre soin des gens et de l’environnement. L'avarice, la cupidité extrême qui fait de ce monde un endroit où vivre est pire. La cupidité pousse les individus et les entreprises à ne penser qu'aux profits, jamais ni aux gens ni à la planète.
L'amour, qu'on embrasse comme un commandement de Dieu et en tant que disciples de Jésus, appelle les chrétiens à se dresser contre ces trois « A » et à changer leurs modes de vie afin qu'ils soient plus amicaux les uns envers les autres et envers la planète, en vivant des vies simples, en se préoccupant des autres et montrant du respect pour la planète. Ces trois « A » sont des faiblesses, une absence d’amour - pour la création, pour les autres, pour Dieu - et aliènent de soi-même, les uns des autres, de la nature et finalement de Dieu.
La vraie réponse au cri de la terre et des pauvres ne se donnera pas dans les chambres de commerce, ou dans les plénières de l'ONU, ou dans les parlements du monde entier. Même s’il y a énormément de travail à faire dans ces lieux. La réponse ne viendra que des personnes qui souffrent, dont la vie et les moyens de subsistance sont en jeu. De ces millions, peut-être des milliards, de personnes que cette crise affecte déjà. Ce n'est pas une crise d'un avenir lointain ; c'est ici et maintenant. Nous devons travailler dur et unis, maintenant, être ensemble, en tant que famille humaine, pour faire face à cette crise. « C'est le moment qui, selon moi, peut être le facteur d'union de l'humanité. Nous ne devons pas perdre cette opportunité », c’est le conseil de Yeb Saño (The cry of the earth is no different from the cry of the poor).
« Dieu a vu tout ce qu'il avait fait, et voici, c'était très bon »
Les nombre important de pauvres et de personnes plus vulnérables dans le monde aujourd'hui est dû principalement aux guerres, à la pandémie, à la crise économique, à l'injustice sociale et aux inégalités. Ils demandent la protection de la vie humaine sous toutes ses formes, de la naissance à la mort, en accordant une attention particulière aux populations autochtones, aux migrants, aux enfants à naître et aux enfants menacés par l'esclavage moderne. Cependant, il y a aujourd'hui ce que le Pape François appelle « la dette écologique entre le nord et le sud de la planète » (LS 51), liée au cri de la terre qui provoque le cri des pauvres.
Comme l'expliquent les scientifiques, « les aléas climatiques exacerbent d'autres facteurs de stress, souvent avec des conséquences négatives sur les moyens de subsistance, en particulier pour les personnes vivant dans la pauvreté » (Climate Change 2014). Par conséquent, « ce sont les plus pauvres des pauvres qui souffrent » la « double injustice du changement climatique ».
La première est que les pauvres subissent le plus grand impact du changement climatique et des événements météorologiques extrêmes, tels que les inondations et les ouragans, la raréfaction de l'eau, la réduction des rendements des cultures et l'élévation du niveau de la mer affectant les villes côtières. Les pays tropicaux sont souvent les plus pauvres et les plus vulnérables au changement climatique.
La deuxième injustice est que les pauvres sont les moins responsables des émissions mondiales de gaz à effet de serre qui perturbent le système climatique. Moins on consomme de biens et de services, moins on produit d'émissions de gaz à effet de serre (Pope Francis, Foundation for Sustainable Development).
Quelles actions pouvons-nous entreprendre pour atteindre ce 2ème objectif ?
Le Pape François offre une réponse dans son message pour la 54ème Journée mondiale de la paix (2021), « Une culture du soin comme parcours de paix ». Au n° 6, il applique les principes de la doctrine sociale de l'Église à cette fin.
Le soin comme promotion de la dignité et des droits de la personne. Parler de la personne dit toujours relation et non individualisme, affirme l’inclusion et non l’exclusion, la dignité unique et inviolable et non l’exploitation. Toute personne humaine est une fin en soi, jamais un simple instrument à évaluer seulement en fonction de son utilité. C’est de cette dignité que dérivent les droits humains, et aussi les devoirs, chacun étant notre prochain, proche ou éloigné dans l’espace et dans le temps.
Le souci du bien commun, c’est-à-dire de cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée. Nos plans et nos efforts doivent toujours prendre en compte les effets sur l’ensemble de la famille humaine, en pondérant les conséquences pour le moment présent et pour les générations futures.
Le soin au moyen de la solidarité qui exprime concrètement notre amour pour l’autre, non pas comme un vague sentiment mais comme la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun, c'est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous.
Le soin et la sauvegarde de la création, car toute la réalité créée est interconnectée. L'écoute constante et attentive du cri des pauvres et du cri de la création conduit à un soin efficace de la terre, de notre maison commune, et de nos frères et sœurs dans le besoin. Un sentiment d’union intime avec les autres êtres de la nature ne peut pas être réel s’il n’y a pas en même temps dans le cœur de la tendresse, de la compassion et de la préoccupation pour les autres êtres humains
La boussole de ces principes sociaux, si essentiels pour la croissance d’une culture du soin, met également en évidence la nécessité que les relations entre les nations soient inspirées par la fraternité, le respect mutuel, la solidarité et le respect du droit international, conclut le pape François.
Les peuples reconnaissent les liens profonds qui les unissent et considèrent, « la planète comme une patrie, et l’humanité comme un peuple qui habite une maison commune » (LS 164), ne cesse de répéter le Pape. La justice sociale et le bien-être de la planète sont les deux faces d'une même médaille: « Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale » (LS 139).
Il est facile de voir comment ce 2ème objectif de Laudato Sí fait appel aux objectifs du développement durable (ODD). Directement aux objectifs 1, 2, 6, et 13. Indirectement, aux objectifs 3, 4, 8, 10 et 12. On pourrait dire que l'exigence centrale issue du 2ème objectif de Laudato Sí est l'ODD 16 : Paix, justice et institutions démocratiques fortes.
Pour en savoir plus Ecouter le cri de la terre et le cri des pauvres, appel du pape François et Time for restoration and joy
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