L’histoire de l’Afrique révèle des surprises inespérées. Le Royaume du Mali, qui date du XIIIe siècle, produit la Constitution la plus ancienne du monde : la Charte Mandé (o Kouroukan Fouga), inconnue de la plupart des gens.
Au début du XIIIe siècle, à l’issue d’une grande victoire militaire, qui marqua le début du Moyen Âge Africain, le fondateur de l’Empire mandingue, Soundiata Keïta, et l’assemblée de ses « hommes sages » ont proclamé à Kouroukan Fouga la « La Charte du Mandén », du nom du territoire situé dans le haut bassin du fleuve Niger, entre la Guinée et le Mali actuels.
Cette Charte, qui est l’une des plus anciennes constitutions au monde, a été promulguée en 1236, même si n’est que sous forme orale, et sous forme orale, elle a été transmise pendant des siècles par les Malinké, un groupe initiatique de chasseurs, et par les griots, les conteurs d'Afrique de l'Ouest. Dans les années soixante du XXe siècle, l'historien malien Youssouf Tata Cissé l'a mise sur papier et, en 2009, l'UNESCO l'a incluse (avec diverses erreurs) dans le patrimoine culturel immatériel de l'humanité.
Il s'agit d'un ensemble de lois qui, inspirées des valeurs traditionnelles, réglementaient la vie communautaire, la coexistence organisée entre le pouvoir et les citoyens, entre les individus et la société, et entre les générations. Les libertés inviolables des individus avaient ainsi été codifiées pour la première fois dans l'histoire de l'humanité.
La Charte se compose d’un préambule et de sept chapitres prônant notamment la paix sociale dans la diversité, l’inviolabilité de la personne humaine, l’éducation, l’intégrité de la patrie, la sécurité alimentaire, l’abolition de l’esclavage par razzia, la liberté d’expression et d’entreprise. Si l’Empire a disparu, les paroles de la Charte et les rites associés continuent d’être transmis oralement, de père en fils, et de manière codifiée au sein du clan des Malinkés. Pour que la tradition ne soit pas perdue, des cérémonies commémoratives annuelles de l’assemblée historique sont organisées au village de Kangaba (contigu à la vaste clairière Kouroukan Fouga, de nos jours au Mali, près de la frontière de la Guinée). Elles sont soutenues par les autorités locales et nationales du Mali, et en particulier les autorités coutumières, lesquelles y voient une source d’inspiration juridique ainsi qu’un message d’amour, de paix et de fraternité venu du fond des âges. La Charte du Mandén représente aujourd’hui encore le socle des valeurs et de l’identité des populations concernées.
Les premiers mots ? Extraordinaires : « L'esprit de l'homme vit grâce à trois choses : voir ce qu'il veut voir, dire ce qu'il veut dire, faire ce qu'il veut faire ; alors maintenant chacun répond de sa personne, il est libre dans ses actes, dans le respect des lois de son pays ».
Voici quelques articles extraits des quarante-quatre qui composent la Charte.
A propos de la vie. « Toute personne a droit à la vie. Une vie n'est pas supérieure à une autre. Le respect d'autrui est la règle et la tolérance doit en être le principe ».
À propos de l'ennemi. « N'humiliez pas l'ennemi, car cela serait considéré comme lâche ».
A propos des jeunes. « L'éducation des jeunes est la responsabilité de toute la société. Chacun doit prendre soin de ses enfants et les corriger ».
A propos de la femme. « Que personne n'offense les femmes, qui sont nos mères ».
À propos du divorce. « Le divorce est légal et est accordé à la demande de l'un des époux, pour des motifs précis : la folie de l'un des deux époux, l'incapacité de l'époux à assumer ses obligations (procurer une nourriture suffisante), le manquement aux obligations conjugales et le manque de respect pour la belle-famille ».
À propos de l'esclavage. « Personne ne bâillonnera un voisin pour le vendre. En ce jour-ci, l'existence de l'esclavage est éteinte ».
Et enfin : « Quiconque enfreint ces règles sera puni ». « Toute personne est responsable du respect de la loi ».
Un corps de lois qui était révolutionnaire pour l'époque, et qui éclaire encore l’aujourd'hui.
Voir, La Costituzione più antica del mondo (A. Ferrari – 22.01.2022 - http://www.africarivista.it) et La Charte du Mandén, proclamée à Kouroukan Fouga
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