Il était une fois un léopard. Il possédait un énorme noyer qui regorgeait de noix. Mais, avare comme il l'était, il interdisait à quiconque de toucher aux noix et le menaçait de le tuer s'il le faisait. Le conte rappelle : « Ne croit pas le menteur même quand il dit la vérité », et « On ne connaît les véritables amis qu’aux moments difficiles ».
La tortue connaissait aussi l'interdiction, mais quand elle vit les noix mûres, elle ne put résister à la tentation. Elle alla trouver un chien son ami et lui dit : « Cher ami, les noix du léopard sont prêtes. Veux-tu en manger ? »
« Il y a longtemps que j'en veux, avoua le chien, mais j'ai peur ».
« Si tu viens, j'essaierai d'en trouver. Allons-y demain », conclut la tortue, « mais il faut partir très tôt ».
Le lendemain matin, à l'aube, ils se mirent en route. La tortue portait sa vieille sacoche sous le bras et dit : « Écoute, mon ami, j'ai un conseil à te donner. Il se peut qu'une noix te tombe sur la tête pendant que nous sommes sous l'arbre ; promets-moi de ne pas crier, mais de l'endurer patiemment en te disant : ‘Makembekembe ma motu la motu !’ » Le chien répondit : « Pourquoi devrais-je crier ? Je sais que le léopard peut nous entendre et qu'il nous dévorerait en un instant ». « C'est ça », dit la tortue, « et tu pourrais te sauver en courant comme le vent, alors que moi, je serais certainement rattrapée ».
Ils arrivèrent sous le noyer. Il y avait de belles noix par terre et en abondance. La tortue se mit à les ramasser et à les mettre dans sa sacoche. Le chien était aussi heureux d’en avoir et la tortue avait du mal à ce qu’il ne fasse pas de bruit. Soudain, il y eut un bruissement dans les feuilles et une grosse noix tomba sur le bouclier de la tortue. Mais la tortue la ramassa en chuchotant : « Makembekembe ma motu ... ». Puis elle dit au chien : « Tu vois, tu peux faire la même chose ».
Peu après, il y eut un nouveau bruissement dans les feuilles et une autre noix tomba, mais cette fois, elle frappa le chien à la tête : « Ahi ! Ahi ! », glapit-il en jetant sa sacoche et en courant vers sa maison.
« Je suis perdue », se dit la tortue, qui avait déjà entendu le léopard arriver. Elle eut juste le temps de se cacher sous les feuilles lorsque le léopard arriva. Il trouva immédiatement la sacoche du chien. « Alors, pensa-t-il avec colère, il y a des voleurs ici, et ils vont payer pour ça ». Il se mit à chercher, mais en vain. Car pendant ce temps, la tortue s'était réfugiée sous les racines du noyer.
Il s'apprêtait à partir lorsqu'un petit oiseau vert et blanc se mit à chanter : « Sous l'arbre ! Sous l'arbre ! » Le léopard se mit à creuser avec ses griffes jusqu'à ce qu'il découvre la pauvre tortue. « Ah ! s'écria-t-il triomphant, c'est toi la voleuse. Maintenant, je vais t’amener à ma maison et tu verras ». Il s'apprêtait à la mettre dans son nouveau sac quand la tortue lui dit : « Mon cher ami, ne me mets pas dans ton sac, je l’abimerais ; mets-moi plutôt dans mon vieux sac ». « Tu as raison », dit le léopard. « Tu seras bien dans le vieux sac aussi ».
La tortue savait que sa vieille sacoche avait un trou par lequel elle pouvait s'échapper. Elle se mit immédiatement au travail : elle déplaça quelques ficelles, en écarta quelques autres et réussit à se laisser tomber sur l'herbe. Elle courut immédiatement à la maison, se reposa un peu pour se remettre de sa frayeur, puis alla voir son ami le chien pour lui faire part de ses réactions. Pendant ce temps, le léopard était lui aussi rentré chez lui et tout de suite il ordonna de mettre de l'eau à bouillir sur le feu et envoya une invitation à ses amis pour qu'ils viennent au festin et mangent la tortue ensemble.
Les invités arrivèrent. Alors que l'eau commençait à bouillir, le léopard ouvrit sa sacoche. Mais la tortue n'était plus là. Il fouilla désespérément dans les feuilles et les noix tombèrent bruyamment par le trou jusqu'au sol. Il comprit alors comment sa proie s'était échappée. Les invités ne purent contenir leurs rires et certains accusèrent le léopard de se moquer d'eux et, au milieu des railleries et des insultes, ils s'en allèrent. Le léopard, furieux, s'allongea sur son lit et réfléchit à la manière de se venger.
Cette mésaventure n'entama en rien l'amitié entre le chien et la tortue. Au contraire, ils continuèrent à se rendre visite, discutant joyeusement de leur aventure ratée. Le chien en profita pour promettre qu'après leur expérience, il ne dirait pas un mot même si cent noix lui tombaient sur la tête. Ils finirent donc par s’accorder pour tenter une seconde expédition. Le jour dit, ils se mirent en route vers le noyer.
La tortue portait une grande sacoche pour ramasser les noix. Elle voulait garder le chien près d'elle pour l'empêcher de faire d'autres bêtises. Ils trouvèrent beaucoup de noix et se dépêchèrent de partir le plus vite possible. Mais au moment de partir, ils entendirent le bruissement habituel et une noix tomba sur le dos du chien.
Le chien s'enfuit en hurlant et la tortue n'eut pas le temps de se retourner qu'elle se retrouva entre les griffes du léopard. Le léopard rentra chez lui en courant et en se réjouissant. Le chien n'avait pas couru bien loin, mais caché derrière un buisson, il vit le léopard mettre la tortue dans sa nouvelle sacoche. Il eut des remords et commença à réfléchir sérieusement à la façon de sauver son ami. « Que pouvait-il faire ? »
Il alla demander conseil au sorcier. Le sorcier prit de longs colliers de coquillages, y ajouta des clochettes et d'autres babioles qui feraient du bruit, les enroula autour du chien, le déguisant bien, et lui attacha une gourde pleine de cailloux à la queue. Il lui donna ensuite des instructions. « Va tout de suite à la rivière et cache-toi là. Tout à l'heure, les serviteurs du léopard viendront puiser de l'eau ; quand ils seront près de toi, saute sur eux en aboyant et en gigotant comme un fou. Ils s'enfuiront tous, et même le lion ne pourra pas te résister », lui dit le sorcier.
Cela plut au chien qui partit aussitôt. Pendant ce temps, le léopard, arrivé chez lui, réunit à nouveau ses amis. Il fit un bon feu tout en surveillant sa proie de près, et lorsque les invités furent réunis, il leur montra la tortue. Au moment de la mettre dans la marmite, il s'aperçut qu'il n'y avait pas d'eau. Il envoya immédiatement ses serviteurs à la rivière.
Pendant ce temps, il leur raconta comment il avait attrapé le voleur. Il en était encore à certains détails de l'histoire lorsque les serviteurs se précipitèrent dans la maison en poussant de grands cris d'horreur. Ils ne purent se retenir de dire qu'il y avait un monstre à la rivière, si terrible que, par miracle, ils n'étaient pas morts de peur.
Le léopard dit : « C'est absurde ! » et demanda à quelques amis d'aller puiser de l'eau. Mais ceux-ci revinrent bientôt, fous de peur, et confirmèrent le récit des serviteurs. Alors le lion se leva et dit avec mépris : « Je vais y aller moi-même ! Quel monstre oserait m'affronter ? » Mais il revint bientôt, tremblant et la crinière toute ébouriffée.
Tout le monde était frappé d'horreur. « De toute ma vie, dit le lion, il ne m'est jamais arrivé une chose pareille. Il doit y avoir de la sorcellerie, car ce que j'ai vu n'était pas une bête, mais un monstre horrible qui a bondi sur moi et m'a fait tomber de terreur. Mais je me suis relevé courageusement et j'ai réussi à m'échapper ».
Le léopard était hors de lui. Plus personne n'osait aller à la rivière. Tout le monde parlait du terrible monstre comme s'il l'avait vu. Le léopard avait lui aussi peur, mais il eut alors une idée. Il se plaça au milieu des invités et dit : « Chers amis, merci d'être venus et d'avoir essayé de m'aider. Moi aussi, je crois qu'il y a à la rivière une bête si terrible qu'elle effraie même le lion. Mais je suis convaincu que si nous y allons tous ensemble, nous pourrons l'attraper et la tuer. Nous aurons un morceau en plus pour notre dîner ».
Un murmure général suivit ce discours. Les animaux se concertèrent : les plus forts décidèrent de tenter l'exploit et les plus timides se joignirent à eux. Finalement, tout le groupe se déplace, le lion et l'éléphant en tête, suivis du léopard.
Quand le dernier animal a quitté la maison, la tortue se met aussi en route, mais dans la direction opposée. Elle avait deviné le stratagème du chien pour la sauver. Comment se débrouillerait-il devant toute l'armée de la forêt ? C'était maintenant elle qui s'inquiétait de la sécurité de son ami. Mais sur le chemin de la forêt, le chien vint à sa rencontre, surpris mais heureux de la voir saine et sauve.
Le léopard et ses amis furent étonnés de constater qu'en arrivant à la rivière, tout était calme et tranquille. Ils rebroussèrent chemin, déçus, tandis que le léopard souriait sous sa moustache en pensant à la tortue à cuisiner. Mais il ne rit plus quand, à la maison, il s'aperçut qu'elle s'était encore échappée.
Alors tout le monde s'en alla, le couvrant à nouveau d'injures et jurant qu'ils n'accepteraient plus jamais d'invitation de sa part. Au contraire, la joie du chien et de la tortue de se retrouver chez eux en toute sécurité était grande. « Pardonne-moi », dit le chien. « Peu importe, répondit la tortue, tu as été bon et tu m'as sauvé la vie. Mais nous n'irons plus voler d'autres noix ! C'est beaucoup trop dangereux. « (Conte populaire du peuple Kikuyu, Kenya) - (Pixabay)
Voir, Oral Literature. The Leopard, the Dog and the Tortoise
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