Cobalt, cuivre, or, diamants : l'exploitation minière est de plus en plus contrôlée, mais l'extorsion, la corruption et la violence « écrasent » les mineurs artisanaux et des milliers d'enfants.
En raison de ses richesses minières, la République démocratique du Congo (RDC), que le pape François vient de visiter, joue un rôle stratégique sur l'échiquier économique international. Outre les diamants et l'or (respectivement classés quatrième et seizième en termes de production), le Congo est stratégique pour le cobalt, le cuivre et le coltan (columbo-tantalite), trois minéraux qui sous-tendent la transition énergétique et technologique. Le cobalt pour la production de batteries, le cuivre pour la production d'équipements électriques et le coltan pour les composants électroniques.
Les principales zones minières du Congo sont le Katanga au sud et le Kivu à l'est. Au Katanga, on exploite principalement le cobalt et le cuivre, au Kivu le coltan, l'or et les diamants.
Les sources officielles estiment que le secteur minier contribue globalement à 18% du produit brut congolais, mais beaucoup pensent qu'il s'agit d'une sous-estimation, étant donné qu'une grande partie de l'exploitation minière au Congo se fait de manière informelle. Une part tout aussi importante du commerce se fait sous forme de contrebande, en particulier au Kivu, qui est disputé par d'innombrables groupes armés aux origines les plus diverses et qui est le théâtre d'affrontements depuis des décennies. Le 22 février 2021, même l’ambassadeur italien, Luca Attanasio, ainsi que le carabinier Vittorio Iacovacci, ont perdu la vie dans cette région, pris en embuscade par l'une des nombreuses bandes armées qui infestent la zone, chacune avec des objectifs et des affiliations différents. Certaines sont plus structurées et liées à des mouvements dans les pays voisins comme le Rwanda ou l'Ouganda, voire à des mouvements internationalistes comme les islamistes ; d'autres sont plus extemporanées, ne répondant qu'aux ambitions des chefs et meneurs, désireux d'affirmer leur propre espace de pouvoir et d'accumuler des richesses par l'extorsion, le kidnapping ou la contrebande de ressources minérales.
Consciente du lien étroit entre le commerce des minerais du Kivu et l'utilisation de leur produit pour l'achat d'armes par les différentes factions opérant sur le terrain, une partie de la communauté internationale a cherché à remédier au phénomène en imposant la transparence à tous les acteurs de la chaîne. En d'autres termes, tout opérateur qui utilise des minerais provenant potentiellement de la région des Grands Lacs est tenu de retracer leur parcours et doit en rendre compte publiquement. En janvier 2021, l'Italie a également transposé la directive européenne imposant cette obligation. Il s'agit d'une avancée importante, qui, espérons-le, ne sera pas contrecarrée par la capacité de la machine de contrebande à falsifier les documents.
La chaîne d'intermédiation qui amène les minerais du sous-sol du Kivu aux entreprises métallurgiques situées en Europe et en Asie (Et aux Etats Unis ?) est assez longue et il arrive que des taxes et des prélèvements soient imposés à chaque étape ce qui permet au pouvoir qui exerce le contrôle sur le territoire de s'enrichir grâce au commerce des minerais. L'extorsion commence au niveau des petits commerçants qui achètent le minerai brut aux mineurs et se poursuit jusqu'aux exportateurs. En 2007, l'organisation humanitaire Global Witness a accusé Afrimex, une société de courtage minier basée à Londres, de soutenir le groupe paramilitaire RCD-Goma par l'achat de coltan sur lequel un prélèvement de 8% avait été imposé par le groupe rebelle. La section britannique de l'OCDE, appelée à commenter l'affaire, a conclu que « Afrimex n'avait pas veillé à ce que ses activités ne soutiennent pas les conflits armés et le travail forcé ».
Ceux qui paient le prix le plus élevé pour ce système d'extorsion sont les petits opérateurs à la base de la pyramide de la production et du commerce. Au Kivu, l'exploitation minière est principalement le fait d'individus, les « mineurs artisanaux », qui, après avoir identifié un site qu'ils jugent prometteur, demandent au propriétaire du terrain l'autorisation de l'exploiter. Ils commencent alors à exploiter les mines avec l'aide de personnes à la recherche d'un emploi. Comme il s'agit d'un travail informel, personne ne sait exactement combien de mineurs artisanaux il y a au Kivu, mais on les estime à plusieurs centaines de milliers. Soumis à des heures de travail exténuantes et à des conditions de travail dangereuses, sans aucun pouvoir de négociation, ils sont contraints de vendre le produit de leur travail aux prix fixés par les grossistes locaux, pour autant que le pouvoir militaire en place ne détourne pas ce qu'ils ont extrait. Selon la reconstitution de la valeur effectuée par diverses organisations, les mineurs n’obtiennent en moyenne que 1% de la valeur de la production des fonderies, dans le cas du coltan, et 0,8% dans le cas de la cassérite.
Pire encore, selon une étude de l'Institut d'études de sécurité d'octobre 2021, une grande partie du coltan est extraite par le travail de plus de 40 000 enfants et adolescents. Originaires de villages reculés du Kivu, la pauvreté les pousse à abandonner l'école, qu'ils n'ont souvent jamais fréquentée, pour chercher du travail sur les sites miniers où ils sont destinés à broyer et laver les minerais. Mais quand ils le peuvent, ils se livrent aussi à un petit commerce en vendant du coltan pour des sommes dérisoires dans les villes situées le long de la frontière avec le Burundi, le Rwanda ou l'Ouganda. Travaillant comme des adultes dans des environnements malsains, ils ont de graves problèmes de santé. Les risques professionnels comprennent l'exposition quotidienne au radon, une substance radioactive également associée au coltan, qui provoque le cancer du poumon. Et étant seuls dans des environnements inconnus, outre le risque d'abus et de violence, les enfants sont également exposés à la traite des êtres humains et au recrutement par des groupes armés comme enfants soldats.
Si nous quittons le Kivu pour nous rendre au Katanga, nous trouvons une situation de production très différente. Ici, les grandes mines dominent, dirigées par des multinationales chinoises, canadiennes, sud-africaines et européennes. Néanmoins, nous trouvons de nombreux problèmes typiques du Kivu. Par exemple, le phénomène des mineurs artisanaux, qui extraient environ 20% du cobalt, est également très développé dans cette région. Et bien que l'activité des artisans y soit plus contrôlée, les violations de la loi sont nombreuses. Ainsi, en août 2016, puis en novembre 2017, Amnesty International a fait état d'une présence importante du travail d’enfants dans les mines de cobalt : entre 20 000 et 40 000 mineurs soumis à des conditions indescriptibles.
Cette nouvelle a mis en difficulté l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, des multinationales minières aux négociants, en passant par les entreprises manufacturières qui utilisent le cobalt pour fabriquer les batteries de leurs produits. Il s'agit notamment des entreprises de voitures électriques, de smartphones et d'ordinateurs. Au début, la ligne de défense était que l'exploitation minière industrielle et l’exploitation artisanale n'ont rien en commun.
Il a ensuite été admis que la frontière entre les deux activités était très floue car de nombreux artisans creusent dans des zones appartenant à de grandes entreprises et vendent ce qu'ils extraient à ces dernières, comme s'ils travaillaient en tant que sous-traitants. Ce n'est pas une coïncidence si la Bourse de Londres, où se déroulent les principaux échanges de minéraux et de métaux dans le monde, exige désormais de ses membres des rapports de traçabilité. Parallèlement, une affaire initiée par le ministère nord-américain de la Justice et conclue en mai 2022, a révélé que Glencore, la multinationale suisse exploitant huit mines de cuivre et de cobalt au Katanga, a versé 27,5 millions de dollars en pots-de-vin à des fonctionnaires de la République démocratique du Congo entre 2007 et 2018 pour obtenir des avantages économiques illicites.
Selon l'ONU, la corruption est un monstre qui dévore 25% des recettes publiques dans le monde. Il est également calculé que dans les nations africaines où les niveaux de corruption sont les plus élevés, à cause de cette corruption, les gouvernements dépensent 25% de moins pour la santé et 58% de moins pour l'éducation. Ce qui permet de comprendre pourquoi, malgré ses énormes richesses, la République démocratique du Congo est l'un des cinq pays les plus pauvres du monde. Selon les dernières données de la Banque mondiale, 64% de la population congolaise vit sous le seuil de pauvreté absolue avec moins de 2,15 USD par jour. Il s'agit d'une démonstration concrète de la manière dont les minéraux sont utilisés pour l'enrichissement de quelques-uns, se transformant en une malédiction de facto pour la population.
Ver Africa. La ricchezza mineraria del Congo è diventata la sua maledizione
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